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Conduite du processus démocratique

Au Togo, les opposants au régime en place ont pour habitude de trouver des similitudes entre tout ce qui se passe à l’extérieur et la situation socio-politique que connaît notre pays. C’est très souvent le cas lorsque des contestataires dans certains pays surtout africains, obtiennent des résultats par la mobilisation populaire. Le cas burkinabé a inspiré plus d’un qui se sont cassé le nez en voulant essayer. A présent c’est la théorie algérienne qui est sur la table.

Il y a quelques jours, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a suspendu le processus électoral qui devait aboutir à l’élection d’un nouveau président dans son pays. Parallèlement, et sous la pression de la rue et des élites de son pays avec des défections dans son camp, il renonce à briguer un cinquième mandat. Ces décisions ont permis de décrisper le climat politique tendu qui régnait avec d’ailleurs l’évocation de la guerre civile par le chef d’État-major des armées.

Une décision sage et saluée par tous en tout cas. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que
l’on se saisisse de cette situation pour faire des comparaisons chez nous. C’est leur droit absolu à ceux qui veulent établir un parallèle entre les deux pays dans cette situation précise. C’est d’ailleurs le jeu des politiques qui ne ratent jamais aucune occasion pour tirer le drap de leur côté. Mais en tant qu’observateur objectif, peut-on vraiment trouver des similitudes entre le Togo et l’Algérie ?

N’oublions pas que chaque pays a son histoire et sa particularité dans la marche vers plus de démocratie. Malgré toutes leurs années d’expériences, les politiques togolais ne cessent de commettre l’erreur de vouloir tout le temps faire le lien entre tout ce qui se passe ailleurs et la situation au Togo.

Mardi dernier sur la radio Nana FM, le responsable de la communication de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), Eric Dupuy déclarait : « je pense qu’avec ce qui s’est passé en Algérie il n’y pas longtemps, l’élite togolaise, les grandes personnalités de ce pays, notamment les avocats, les magistrats, les médecins, les ingénieurs, les enseignants d’université doivent au moment venu, sortir pour dire qu’un quatrième mandat, c’est trop. Et surtout, bientôt 60 ans pour la même famille et le même clan. Si tout le peuple se mobilisait de cette manière, il y a beaucoup de choses qui changeraient dans ce pays ». Monsieur Dupuy a entièrement le droit d’espérer que ce qui s’est passé en Algérie se reproduise bientôt chez nous. Mais il convient de s’arrêter sur un certain nombre de détails qui font des deux pays, des cas diamétralement opposés.

Le président Bouteflika est aujourd’hui âgé de 82 ans. Il a été victime d’un Accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013 qui le rend complètement invalide. Il a gagné les élections présidentielles en 2014 sans faire campagne, peut-être à cause de sa popularité, de la sympathie populaire ou de son entourage. Ce qui est sûr, il est complètement invalide aujourd’hui et ne peut plus continuer à diriger ce pays. Ce sont des facteurs qui ont milité contre lui et les gens de son camp qui visiblement voulaient le maintenir l’ont compris sous la pression de la rue. Mais au Togo, nous sommes dans un schéma complètement différent.

Le président Faure Gnassingbé jouit d’une excellente santé, la Constitution ne l’empêche pas de briguer un prochain mandat. S’il décide de ne pas le faire, ce sera une décision personnelle ou suite à des négociations. Mais ce n’est pas encore le cas. Au moment où les opposants avaient cette possibilité, ils ont préféré le tout ou rien.

Maintenant, que les élites décident de descendre dans la rue aux côtés des militants de l’opposition comme en Algérie, personne ne peut le présager. Mais encore une fois sommes-nous dans le même cas de figure ? En attendant donc que la situation algérienne se produise au Togo, monsieur Dupuy et ses camarades de l’opposition ont intérêt à réfléchir à d’autres stratégies.