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Dr Gilbert Tsolenyanu : « Le ministère de la Santé doit associer toutes les ressources humaines et les expertises nationales, civiles comme militaires pour gérer cette situation »

Dr Gilbert Tsolenyanu

L’étau du coronavirus qui se resserre chaque jour un peu plus sur notre pays, inquiète tout le monde. En dehors du gouvernement et son partenaire l’OMS qui s’activent depuis quelques jours pour empêcher la propagation de la maladie, de bonnes volontés issues du système de santé s’impliquent pour une gestion efficace de cette crise sanitaire. Le Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (Synphot), veut pleinement jouer son rôle. Son secrétaire général, le Dr Gilbert Tsolenyanu s’est confié à Togo matin.

Que pensez-vous du coronavirus ?

Merci de l’intérêt que vous portez au sujet. Permettez-moi de définir en français facile ce que c’est que le coronavirus. Les coronavirus, qui doivent leur nom à la forme de couronne qu’ont les protéines qui les enrobent, font partie d’une vaste famille de virus dont certains infectent différents animaux, d’autres, l’homme. Ils sont susceptibles d’être à l’origine d’un large éventail de maladies.
Chez l’homme, ces maladies vont du rhume banal à une infection pulmonaire sévère, responsable d’une détresse respiratoire aiguë c’est-à-dire une difficulté à respirer qui va conduire à un coma, ce qui va nécessiter de mettre le sujet sous respirateur pour une moyenne de 15 jours pour ce qui est du Covid-19 qui est la pandémie qui fait suffoquer notre planète TERRE.

Selon vous, des pays comme le nôtre doivent-ils s’en inquiéter outre mesure ?

En ce qui concerne la maladie Covid-19 (anciennement appelée 2019-nCoV) due au nouveau coronavirus SARS-CoV-2, celle-ci se transmet par les postillons (gouttelettes de salive) projetés en toussant ou en éternuant. Il faut donc des contacts étroits et prolongés pour la transmettre (famille, même chambre d’hôpital ou d’internat) ou avoir eu un contact à moins de 1 mètre du malade, en l’absence de mesures de protection efficaces.

Les populations de nos pays africains subsahariens doivent vraiment s’en inquiéter. A preuve, nous avons déjà des cas et dans les prochains jours on en découvrira d’autres et notre pays ne fera pas exception malheureusement.

Que dites-vous des allégations selon lesquelles à une température supérieure à 25°C le virus meurt et que la race noire est d’une manière ou d’une autre immunisée ?

Ce sont de purs mensonges. Si cela était avéré on n’aurait pas de pandémie, ni maladie Covid-19 car la température normale de l’organisme humain (toute race confondue) est de 37°C. Dès lors si cette allégation était fondée, le virus ne pourrait pas prospérer dans l’organisme humain. Ce sont tout simplement des mensonges irresponsables et nous ne devons pas nous laisser berner et distraire par des apprentis scientifiques.

Que dites-vous à ceux qui affirment que le gouvernement ne dit pas la vérité en ce qui concerne la survenue d’un cas au Togo ?

Le gouvernement ne saurait dire de contre vérité, d’autant plus que l’OMS a confirmé le cas. Pour cette crise sanitaire qui est déjà là, j’en appelle à l’union nationale. C’est ensemble que nous allons réussir à vaincre cette maladie. Alors évitons autant que faire se peut les polémiques et soyons tous en ordre de bataille. Car c’est en étant responsables individuellement que nous serons vainqueurs collectivement. Toute banalisation ou négation de la situation serait fatale.

A votre avis, le gouvernement a-t-il raison de prendre les mesures que l’on a entendues après le Conseil des ministres du lundi dernier ?

« Prévenir vaut mieux que guérir », dit l’adage, et c’est fort de cela que nous saluons l’audace du chef de l’Etat et du gouvernement en prenant ces mesures. Cependant certaines mesures méritent d’être clarifiées et toutes les mesures doivent être appliquées de manière rigoureuse et même renforcées le plus vite possible, tout en évitant de créer la panique et de tomber dans une paranoïa contre-productive.
Le cas des institutions d’éducation, les bars et boîtes de nuit, les cérémonies funéraires…doit être précisé. Pour les marchés et l’activité économique, il faut le plus rapidement une concertation nationale des acteurs et experts des domaines sanitaire et économique pour la meilleure posture en tenant compte de nos réalités intra-muros.
Le chef de l’État a pris des mesures. Il revient au ministère de la Santé de les appliquer efficacement en associant tous les acteurs du secteur de la santé, sans exclusion, d’anticiper les choses et en donnant les moyens aux agents de santé de se prémunir et d’être efficaces dans la lutte contre ce fléau.

Pensez-vous qu’à l’instar de la Côte d’Ivoire, du Sénégal ou du Burkina Faso, l’on devrait aller plus loin en prenant des mesures de confinement ?

Humblement, je ne pense pas qu’on soit déjà à ce stade et d’ailleurs les pays cités ne sont pas encore en confinement. Le plus important c’est de respecter les mesures barrières et être chacune et chacun conscient de la gravité de la situation tout en restant confiant grâce à l’autodiscipline et au civisme.

Le système de santé du Togo est-il prêt selon votre appréciation à faire face à cette urgence de santé publique ?

À l’instar de la majorité des pays africains, nous ne sommes pas prêts à gérer les complications, mais comme le dit l’OMS nous n’avons pas le choix, nous devons nous préparer au pire. Malheureusement nos plateaux techniques désuets ne sont pas de taille. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons moderniser notre système de santé, de l’équipement aux conditions de vie du personnel soignant, rien ne doit être tabou.

Des soignants prenants prenant en charge un patient

C’est pour cela que nous avons proposé au gouvernement des recommandations de modernisation de notre système de santé dont la mise en place d’une Fonction publique hospitalière. La pandémie du Covid-19 montre l’utilité du service public de santé et que toute forme de privatisation de ce secteur est une erreur comme l’a affirmé le président français Emmanuel Macron : « le système de santé doit être placé en dehors des lois et règles du marché». Toutefois nous avons l’engagement total des agents de santé à servir leurs concitoyens à hauteur des moyens que nous aurons à disposition. Les agents de santé se sacrifient depuis de nombreuses années déjà dans des situations difficiles de travail que nous connaissons tous et vont continuer de se battre pour sauver les Togolais.

Que doit faire le gouvernement pour aider le personnel soignant à faire efficacement face à la menace ?

Le ministère de la Santé doit associer toutes les ressources humaines et les expertises nationales civiles comme militaires pour gérer cette situation. Les agents de la santé doivent être formés, sensibilisés à la résilience psychologique. Ils doivent être dotés de moyens de protection (masques FFP2, système automatique de lavage des mains…), des moyens de prises en charge (dupliquer les sites d’isolement et de prise en charge des complications avec des appareils adéquats spécifiques). Le ministère de la Santé doit montrer de l’empathie à l’égard des agents et le gouvernement, encourager, valoriser et motiver les agents de santé pour qu’ils se donnent plus à la tâche.

Croyez-vous que c’est aussi le rôle d’un syndicat de s’impliquer dans la sensibilisation ?

Le syndicat n’est pas uniquement un instrument de revendications. De nos jours nous sommes dans un changement de paradigme qui fait des syndicats des think-thank de proposition ayant des moyens de pression qu’ils peuvent utiliser si cela s’avère nécessaire. C’est pour cela que notre démarche depuis un temps est de faire des propositions concrètes au gouvernement et de travailler à ce que par le dialogue social et la confiance mutuelle retrouvée, l’on puisse moderniser profondément le système de santé au Togo et en faire une référence dans la sous-région, pourquoi pas en Afrique.

L’évolution de la pandémie dans le monde

C’est pour matérialiser ce rôle, que nous avons entrepris plusieurs projets dont l’activité nationale pour le don de sang dénommée « sang pour sang », en lançant un appel à l’Assemblée nationale, au gouvernement, aux sociétés et entreprises et à tous les Togolais. C’est dans le même ordre d’idées que nous prenons le leadership comme lanceur d’alerte face à la pandémie du Covid-19. Dans toutes les localités de notre pays, vous avez un agent de santé, même dans les zones difficiles d’accès. Nous en appelons à une unité et solidarité nationale. Le Synphot veut lancer une grande campagne nationale de sensibilisation contre le Covid-19.

Nous avons besoin du soutien aussi bien du gouvernement, de l’OMS, des partenaires techniques et financiers, des entreprises, sociétés et personnes de bonne volonté pour disséminer les mesures barrières dans tous les hameaux même les plus reculés. Ensemble nous pouvons juguler cette crise et sauver nos vies.

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