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Election de Joe Biden / Assaut du Capitole : regards croisés

L’épisode insolite de l’assaut du capitole à Washington fait couler beaucoup d’encre. Au sein de la presse africaine, elle est diversement appréciée. Togo matin vous présente quelques commentaires d’une partie de cette presse qui a longtemps été admirative de cette démocratie présentée comme modèle en Afrique et dans le monde mais qui vient de montrer qu’elle n’est jamais achevée.

 

Boubacar Sanso Barry, Editorialiste, directeur de publication du site guinéen Ledjely.com

 « Au-delà de l’Amérique, c’est peut-être toute la démocratie occidentale, qui sert généralement de référence, qui se trouve remise en cause. Et pour nous, du point de vue des Africains, on a envie peut-être que les gens se servent de tout cela pour épouser une certaine dose d’humilité parce que, généralement, quand ces évènements-là se produisent en Afrique, on arrive avec beaucoup de jugements, avec beaucoup de préjugés et avec des généralisations pour dire que cela ne fonctionne pas, et qu’en Afrique, les gens ne savent y faire, que ce sont des arriérés. Or, là c’est ce à quoi nous avons assisté, c’est aux États-Unis, c’est la première démocratie du monde. Ce sont des gens qui sont à priori intelligents, des partisans de Donald Trump, qui ont cédé à cette manipulation. »

« (…) Oui, c’est un peu une leçon aux donneurs de leçons. Ce serait bien que, d’une certaine façon, on sache que la démocratie n’est pas achevée, aussi bien aux États-Unis qu’en Afrique et que les Africains ne sont pas nécessairement moins intelligents que les Américains, que les Français, que d’autres peuples à travers le monde. ».

 

Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI : « Sous le chaos, une belle leçon de démocratie »

« Pour de nombreux Africains, le déferlement des partisans de Donald Trump, ce mercredi 6 janvier, sur le Capitole, démystifie quelque peu l’Amérique et remet en cause son aptitude à donner des leçons de démocratie. Pour dramatiques et peu glorieuses qu’elles soient, ces images suffisent-elles, pour autant, à disqualifier définitivement les États-Unis, par rapport à la démocratie en Afrique »

« Au-delà des leçons dites de démocratie, ce qui importe, dans les propositions des pays occidentaux à l’Afrique, ce sont les valeurs. Pour vouloir l’état de droit et la démocratie pour son peuple, un vrai leader ne devrait pas attendre de se voir imposer ces valeurs par d’autres, comme leçons ou comme conseils. Et seuls ceux qui n’ont jamais nourri de réelles ambitions pour leur peuple prendraient prétexte du discrédit jeté par Donald Trump sur la démocratie américaine pour traîner encore plus les pieds en la matière (…).

« Vous vous souvenez sans doute du premier discours de Barack Obama, en Afrique noire, en juillet 2009, au Ghana. Il soutenait alors que l’Afrique n’avait pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. Nous y voilà ! Si les institutions n’avaient pas été aussi solides, aux États-Unis, Donald Trump aurait probablement eu gain de cause, et donc subtilisé la victoire à l’homme élu par le peuple américain. Trump a introduit une bonne quarantaine de recours, et il a été débouté une quarantaine de fois, pour absence de preuves. Une justice indépendante sait dire à un chef d’État qu’il a tort, lorsqu’il invente des fraudes imaginaires, pour nier sa défaite électorale. Il a exercé des pressions sur les dirigeants des États, afin que ceux-ci proclament des résultats contraires au choix des électeurs. Mais même ceux de son bord politique ont résisté aux pressions, n’ont pas cédé aux intimidations. Les institutions solides protègent les femmes et hommes qui les servent, et renforcent souvent leur courage et leur intégrité (…) Mais la solidité des institutions, l’intégrité de ces serviteurs assermentés de l’État et leur vigilance sont autant de barrières dissuasives qui vouent à l’échec les tentatives désespérées de Donald Trump pour confisquer le pouvoir. Et déjà, la réflexion est en cours, qui vise à empêcher, à l’avenir, un futur Trump d’aller aussi loin. L’éventuelle leçon que pourrait proposer, aujourd’hui, Washington à l’Afrique traiterait de la manière de déjouer les ruses d’un président sortant qui, bien que battu, tenterait, par tous les moyens, de s’incruster. Un tel cours, dispensé par les Américains, quel peuple, en Afrique, ne rêverait de le suivre!».

 

Modeste TOFFOHOSSOU, Journaliste, Consultant à Togo Matin: « Oui la démocratie américaine a été mise à rude épreuve. Mais elle n’a pas sombré ou n’a pas cédé ! »

« (…) Depuis l’élection de Biden, ce qu’on voit, c’est la force des institutions américaines: fortes, résilientes et républicaines ! Même en subissant les coups de boutoir de Trump, elle a résisté et les hommes sont restés patriotes. Les forces de l’ordre loyales à la loi.

Et c’est cette qualité et cette conception de ce que les institutions sont plus fortes que les hommes que je respecte. Le 1000ème  de ce qui s’est passé aux États-Unis se passait dans un pays sous nos tropiques et tout a foiré ».

« Oui la démocratie est mise à rude épreuve. Mais elle n’a pas sombré ou n’a pas cédé. C’est cette force que moi je salue. Pas le fait qu’elle ait été éprouvée.

Il n’a pas été interdit aux Républicains manifestants d’investir le Capitole. Ils n’ont pas été gazés. Ils n’ont pas été réprimés dans le sang comme cela se voit. Le bureau de la Cheffe démocrate Nancy Pelosi saccagé. Mais c’est surtout la réponse des institutions : le ministre de la défense a refusé de déployer la garde nationale. Les comptes Twitter, Facebook et Instagram de Donald Trump ont été suspendus pendant 12h… Pour moi, ces incidents ont démontré une fois encore que le salut de l’Etat et de la République est dans l’allégeance et la fidélité des serviteurs publics aux règles et principes qui gouvernent l’Etat et non dans leur loyauté à un homme, fut-il le plus puissant.

Mais au-delà de ce qu’on peut reprocher à Trump, ce qui arrive à la démocratie américaine prouve une fois encore que ce sont les processus publics notamment électoraux transparents qui renforcent la confiance des citoyens dans les délibérations des institutions publiques et préviennent, l’insurrection populaire.

Les processus électoraux transparents permettent d’éviter des contestations électorales, avec des risques de remise en cause du fonctionnement normal des institutions de l’Etat ou de l’activité des pouvoirs publics ».

 

TM