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Komi Dovi KOUDOU, le rêve de l’entrepreneuriat togolais

Komi Dovi KOUDOU
Le lundi 04 mars 2019, devant des investisseurs étrangers et nationaux, des partenaires diplomatiques, des bailleurs de fonds, le Togo lançait son Plan National de Développement (PND 2018-2022). Dans le ballet des personnalités qui défilaient à la tribune officielle, apparut un jeune si frêle et si maigrichon. D’une masculinité d’apparence classique, il tasse 1,70 mètres. Mais dans cette salle où presque tout le monde était costumé, lui, il a pris le soin de s’offrir une authenticité différentialiste en se vêtant d’un “Kenté”, tissu africain originaire du Ghana. En effet, Komi Dovi KOUDOU portait la parole de toute la jeunesse togolaise.

Et dans son discours, il s’était voulu pointilleux mais à flux tendu en prenant le soin de farcir une doléance au Chef de l’Etat togolais : « Nous souhaitons respectueusement appeler à votre attention, sur la nécessité d’instaurer autour de la mise en œuvre du PND des réflexes de transparence et de réédition des comptes autant pour la planification des actions que pour l’accès aux bénéfices, aux opportunités et des résultats à obtenir ». « Cher ami Komi… » débuta Faure Essozimna Gnassingbé en réponse. Mais pourquoi serait-ce lui qui représenterait la jeunesse togolaise à ce lancement ? Qu’a-t-il de si particulier pour oser prendre la parole en son nom et devant d’éminentes personnalités ? Parce que dans un Togo en pleine mutation, Komi Dovi KOUDOU, fait figure d’exception. Car, sans lui, il serait aujourd’hui difficile de parler d’entrepreneuriat et de la promotion du patrimoine local. En plus d’avoir la pensée vive et l’esprit en moulinette : « Je suis venu du néant et je cherche à trouver du sens à ma vie. Très tôt, mon éducation m’a obligé à la résilience. C’est ce qui me fait fonctionner », ainsi se définit-il.

 

« Je suis venu du néant et je cherche à trouver du sens à ma vie. »

 En juillet 1985 et plus précisément le 13, il naissait à Notsè, cette ville située à 95 kilomètres mais qui à l’époque était une bourgade où la vie en communauté était encore d’une poétique ludique. Septième d’une fratrie de 13, il est le cadet de sa mère, ménagère. Son père, cadre à l’ancienne Société Togolaise du Coton étant un polygame assumé. Petit, il était timide et chaque fois malade. Et même s’il fut difficilement scolarisé, il connut l’insouciance de l’enfance à travers les joies de la chasse, l’allégresse jubilatoire des travaux champêtres. « Je me souviens des mercredis après-midi et des samedis matin dans les champs de coton, à la chasse aux perdrix et la récolte pour remplir le grenier », raconte-t-il. De cette vie rurale conciliée à la polygamie dans laquelle il naît, il récolte les graines pour tisser le linceul où enfouir toute désespérance ou toute résignation. Il estime qu’on vit seul, qu’on doit seul faire face à la vie. C’est d’un réalisme prétentieux et d’une déréliction terreuse.

Il est peut-être plus conscient qu’on ne peut l’imaginer, mais il ne se départit de rien et ne se dégarnit en rien. Il se reconnait : « Je voulais être très tôt autonome. J’étais prêt à me lancer dans la vie. Et cela me mettait en confiance. » Toute l’aisance de Komi Dovi KOUDOU à la vie entrepreneuriale a pris source dans cette précocité à rythmer son cursus scolaire, studieux par contre, à de petits jobs parallèles. C’est d’ailleurs en récoltant son premier champ de coton, qu’il s’acheta son premier vélo en classe de Seconde. En classe de Terminale, il se dota d’un appareil photo s’improvisant photographe à ses heures perdues.

En première année à l’Université de Lomé, il alterne ses études en Faculté des Sciences d’Economie et de Gestion avec la conduite de taxi-moto pour arrondir les fins du mois. En 2009, après avoir décroché sa Maîtrise Es-Science de Gestion option Marketing & Stratégie, il passe par la distribution de savon et la livraison de bouteilles de gaz à crédit. Dès lors, il prend goût au marketing de réseau après quelques mois passés à IDH Microfinance en tant qu’agent de développement du réseau financier et ensuite à Moov Togo comme commercial et Chef de secteur. C’est le début d’une longue aventure.

 

Courage, abnégation et motivation chevillés au corps

 Komi Dovi KOUDOU est un injecteur de motivations. Et sur tout son parcours, il a su jouer les risque-tout pour liquider la désinvolture de l’adolescence et l’insouciance plausible de la jeunesse. Il s’autorise parfois des aventures imprécises parfois parce qu’espérant toujours un supplément d’utile expérience. C’est ainsi qu’en septembre 2012, il participe à la troisième édition de l’Académie de l’Entrepreneuriat à Cotonou et organisé par la Jeune Chambre Internationale (JCI Océan Bénin) sous le parrainage de l’Agence Nationale des Petites et Moyennes Entreprises (ANPME). « C’est à cette occasion que je rencontrai pour la première fois un homme qui m’a toujours inspiré : Jean Baptiste SATCHIVI. Et de sa bouche, parce qu’il était le modérateur, le “Made in Benin” », se rappelle-t-il. Ce fut le déclic.

Et si c’est en cette année-là qu’il eût la chance de se mettre en cohérence avec son profil caché, on ne sait trop en l’écoutant si l’expérience acquise aujourd’hui n’a pas pris le pas sur le temps fallu. Compréhension troublée qui en fait le charme. Car, en Février 2013, il participa au concours d’idées d’entreprises lancé par le Fonds d’Appui aux Initiatives Economiques des Jeunes (FAIEJ) qui venait de naître. Partir pour promouvoir un savon, les séances de formation l’en ont dissuadé. Il se tourna vers la mise en place d’une tisane à base du « Cassia Occidentalis » (kinkéliba), anciennement appelé le café nègre. « Il n’y a pas de thé à proprement fabriquer au Togo. Le Kinkéliba est une plante médicinale qui a besoin d’être promue en raison de ses nombreuses vertus thérapeutiques d’élimination de toxines dans le corps » explique Komi Dovi KOUDOU. Grâce alors à un financement d’un million centre quatre-vingt-trois mille cinq cents francs CFA (1 183 500 FCFA) il s’engage à mettre sous une forme moderne, un héritage traditionnel : tonification des graines, broyage, ensachage, mise en boîte. Ainsi naît en 2014 l’enseigne “Natuthé VIP” que portera plus tard l’entreprise “Bio-AFRIQ’INFUSION” créée en 2016. Mais seulement 25 boîtes ont été produits dès le premier mois. L’archaïsme des moyens du début aidant. Quelques-uns seront vendus, d’autres offerts à des amis. Le mois suivant, ce furent 332 boites écoulées. Aujourd’hui, plus de 150 000 boites sont en vente dans toutes les surfaces du territoire national.

Meilleur jeune entrepreneur du Togo et promoteur du thé au Kinkéliba

 Dans son bureau, Komi Dovi KOUDOU est un personnage hilarant, un intellectuel intrigant mais également une mine de contradictions pas forcément résolues.  « Peu importe où je peux être, je peux m’en sortir et me valoriser avec des idées et des ressources. C’est très important. Il faut faire “matching” avec la nature. Je suis capable et me séparer des perceptions de familles et de la société ». D’une rencontre avec ce nouveau père de famille et chrétien presbytérien, on en ressort les bras encombrés d’une cueillette abondante. Des souvenirs en mousse sur son parcours. Des traits d’esprit sur l’éducation de son enfant. Des savoirs épars pour mieux interagir. De ses positions sur la conjugalité et la place de la femme dans un foyer.

Des paradoxes sur la relation avec Dieu au nom de la valorisation du patrimoine local et africain. « Même l’Eglise n’est pas encore délivrée. Où Dieu a-t-il dit que seul le vin du Château de France peut être servi ? Pourquoi pas le Tchoukoutou ? Tout enseignement biblique qui diminue le potentiel de l’Afrique est erroné ». On se perd presque dans les sinuosités de cet être aussi agile à échapper que son apparence frêle laisse préjuger. L’homme est multitâches. Tantôt consultant marketing, management de plusieurs sociétés, tantôt coach et animateurs de plusieurs formations et conférences, il diagnostique, monte, élabore, réalise et formule. Meilleur Jeune Entrepreneur du Togo en 2014 et 2019, Talent du Monde de l’espace Uemoa en 2016, ce doctorant en coaching et en développement intégral cumule les parchemins. D’une civilité référencée, il s’efforce de se dégrafer de la verticalité impérative et s’échine à faire place à la différence des points de vue même s’il ne donne guère l’impression de relativiser. Chevalier de l’Ordre National du Mérite en 2017, il a porté la voix de la jeunesse à deux importantes occasions : le lancement officiel du Plan National de Développement (PND 2018-2022), le forum économique Union Européenne-Togo.

« A ces rendez-vous, j’ai appelé le Chef de l’Etat sur les chantiers qui sont les siens en ce qui concerne la jeunesse. Mais également la promotion du Kinkéliba. Le Togo a besoin d’une industrie de boissons chaudes », a-t-il détaillé. Depuis lors, celui qui est affectueusement appelé l’ami de Faure Essozimna Gnassingbé est engagé dans un processus d’industrialisation de sa tisane. Pour lui, le Président de la République Togolaise est « un monsieur doux, ayant le sens de l’écoute. Il réagit aux mots. Il n’est pas le diable qu’on tente de nous vendre ». D’ailleurs Komi Dovi KOUDOU a le regard tourné vers l’avenir. Il envisage porter de 2 à 20 hectares, la superficie de la culture du kinkéliba à l’horizon 2025, pour soutenir la production industrielle. Intéressante ambition !

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