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Ouverture du capital du MIFA : qu’est-ce-qui presse ?

C’est passé inaperçu, mais la semaine dernière marquait le troisième anniversaire du lancement du Mécanisme Incitatif de Financement Agricole (Mifa). Lancé en 2018, ce mécanisme innovant devrait être enfin l’un des seuls ou le seul moyen qui permet d’apporter à l’agriculteur togolais, les moyens et l’assurance nécessaires pour sortir de la précarité. Faire en sorte que l’agriculteur togolais puisse espérer devenir un champion ou un entrepreneur agricole capable de rivaliser avec ses confrères de la sous-région.

Pour la première fois, la notion de chaine de valeur prenait tout son sens. Le gouvernement prenant enfin, non seulement en compte la pénibilité du travail d’agriculteur, mais le sortait également des multiples cauchemars liés aux voies d’accès et d’écoulement de sa production, l’objectif étant d’augmenter in fine le volume de financement accordé à ce secteur stratégique. Par-dessus tout, il s’agit également de structurer durablement les chaines de valeur.

Des fondements solides ont ainsi été posés : partenariats avec les banques, identification des spéculations, organisation des groupements en coopératives, expérimentation d’une nouvelle approche, définition d’une nouvelle vision, facilitation de l’accès des petits producteurs des filières stratégiques aux intrants, l’innovation liée à l’assurance maladie et accident pour les producteursetc. En faisant entrer aujourd’hui de nouveaux investisseurs dans le capital du Mifa, il est fort à craindre que la vision première du Mifa ne soit dévoyée. Faut-il le rappeler, le Mifa est censé avoir une forte dose d’utilité publique. Le Mifa doit être le bras armé de l’Etat togolais dans l’intervention souveraine du Togo dans sa politique agricole qui constitue la colonne vertébrale de l’axe 2 du Plan national de développement tout comme Togo Invest l’est de façon globale en matière d’investissement.

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L’actionnariat du Mifa est aujourd’hui constitué comme suit : l’Etat, la Fédération nationale des groupements de producteurs de coton (FNGPC), ARISE Special Economic Zone et PIA, une des branches de Olam, déjà actionnaire majoritaire dans le secteur du Coton. Pourquoi ne pas attendre de voir l’évolution et les retombées dans ce secteur avant d’accepter ouvrir le capital du Mifa au même investisseur ? Ces nouveaux investisseurs ont-ils la même vision pour le secteur agricole et s’aligneront-ils sur les spéculations stratégiques identifiées par les autorités togolaises ? Déjà porté sur la filière Soja, obligeant presque le Mifa à acheter des tonnes de Soja, Olam et ces nouveaux investisseurs sont partis pour imposer une autre culture de rente moderne au détriment de nos pauvres agriculteurs avec surtout le pouvoir d’imposer leurs prix.

Ces interrogations sont légitimes. Celles de savoir qu’est ce qui pressait ? A moins d’une opinion contraire, aucune évaluation n’a encore été faite du mécanisme mis en place. Les différents accompagnements des agriculteurs et coopératives n’ont pas encore subi une évaluation. Comment donc a-t-on pu choisi de faire entrer des privés, étrangers qui plus est, et de cette taille dans le capital du Mifa. Homo Economicus qu’ils sont, la logique d’affaires permettra-t-elle de faire fonctionner convenablement le Mifa ? Surtout que selon toute vraisemblance, Olam sera majoritaire dans la structuration suivie de la FNGPC. Nous sommes là en face d’un conflit trop tôt apparu entre deux chaines de valeurs : celle financière et celle agricole.

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Est-il besoin de rappeler qu’au moment où le Togo lançait le MIFA sur le modèle du NIRSAL du Nigeria, ce dernier était toujours à la phase pilote après près de 11 années d’existence ? Preuve, qu’il faut prendre le temps de bien faire les choses, en ayant surtout à l’esprit, la sauvegarde des intérêts nationaux et l’érection de nouveaux et vrais champions industriels togolais.