Voulez-vous faire couvrir un événement par Togo Matin?

Un parcours mouvementé et une issue sereine

Encadrement d'une manifestation l'année dernière à Lomé

L’année 2018 était arrivée avec une crise politique née il y a déjà quelques mois. Les Togolais vivaient dans une atmosphère de tension constante depuis le 19 août 2017 et l’horizon ne semblait pas vouloir s’éclaircir. Ainsi, l’année qui vient de s’écouler aura été au Togo très mouvementée sur le plan politique. La crise politique a pris le dessus sur toutes les autres activités auxquelles pouvaient se livrer les Togolais. On en est arrivé à se demander si le pays arriverait à s’en sortir, quand et comment cela pourra se faire. Cette crise aura été l’une des plus graves que notre pays ait jamais connues. Heureusement les amis du Togo dont la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le groupe des 5 et autres n’ont jamais fait défaut.

Tikpi Atchadam, l’homme par qui tout a commencé. Ce fils de Tchaoudjo, plus précisément du village de Kparatao a surpris tout le monde. Il travaillait dans l’ombre depuis des mois, mais personne ne l’attendait dans ce registre en tout cas. Une fois lors d’une émission politique sur l’ex chaîne de télévision, La chaîne du futur (LCF), quand le journaliste lui demandait en quoi il pouvait inquiéter le pouvoir, il a répondu : «Pour l’instant nous faisons un travail de proximité auprès de nos militants. Nous les sensibilisons et les formons sur la non-violence et les mobilisons. Au moment venu vous verrez », avait-il lancé à l’endroit du confrère Samuel Gnanhoui qui était à l’époque l’animateur. Mais personne ne pouvait se douter de ce qu’il manigançait.

Même son activité au sein du Front Tsoboé avec pour objectif d’empêcher les élections présidentielles de 2015 n’a inquiété personne. Subitement, ce sont de grands meetings que réussissait à organiser ce juriste de formation qui a d’ailleurs travaillé dans l’administration togolaise. Avec le Parti national panafricain (PNP) aux couleurs rouge et symbole de cheval, le guerrier de Tchaoudjo a failli entraîner le Togo dans une incertitude totale le 19 août 2017.

Heureusement, les forces de défense et de sécurité ont réussi à maintenir tant bien que mal la stabilité des institutions dans le pays. Entre-temps le PNP a été rejoint par d’autres partis de l’opposition pour créer la Coalition des 14 partis de l’opposition. Et c’était parti pour des mois de manifestations, de divergences qui vont aboutir finalement à un dialogue.

L’année 2018 et son dialogue à multiples rebondissements.

Vu l’allure que prenait la situation, le gouvernement ne pouvait pas rester inactif. C’est ainsi que le Premier ministre d’alors, Komi Selom Klassou a convoqué une consultation avec toutes les tendances politiques du pays. La C14 n’a pas jugé utile de s’y rendre. Pour ce regroupement, si dialogue il doit y avoir, il faut que ce soit sous l’égide de la communauté internationale.

Entre-temps l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) envoie une délégation conduite par la nigérienne Aïchata Mindaoudou pour assurer la médiation. Elle fut rapidement récusée par le chef de file de l’opposition d’alors, Jean-Pierre Fabre et ses alliés. Alors avec le concours des chefs d’États de la sous-région, une médiation de la Cedeao assurée par le président Nana Akufo-Addo du Ghana rejoint plus tard par celui de la Guinée Conakry, Alpha Condé, a été mise en place.

Lire aussi : Après les missions d’observation, les chefs d’État entièrement satisfaits

Après des consultations, le dialogue inter-togolais fut ouvert par le président ghanéen à l’hôtel du 2 février, le 15 février 2018. Un long dialogue qui tardait à livrer son verdict. Il fallait attendre à chaque fois que l’agenda du président Akufo Addo soit favorable à un déplacement à Lomé ou un déplacement de la Coalition à Accra pour relancer le dialogue. Au cours des discussions, la Coalition avait accepté de suspendre les manifestations. Pour certains observateurs, ce fut la première erreur qu’elle a commise. D’ailleurs des leaders du regroupement ont ouvertement regretté cette décision. Ils ont même accusé le chef de l’État ghanéen de les avoir menés en bateau. Et le pouvoir de n’avoir pas respecté sa part du contrat qui consistait à libérer les détenus que la Coalition qualifiait de « prisonniers politiques » et surtout à lever ce qu’elle appelle jusqu’à ce jour « le siège » sur les villes de Bafilo, Mango, Sokodé. Malgré ces mésententes, les médiateurs ont tenu bon jusqu’à la publication d’une feuille de route lors de la conférence des chefs D’État et de gouvernement de la Cedeao à Lomé en juillet dernier.

La feuille de route de toutes les discordes

S’il y a une chose sur laquelle les acteurs politiques togolais ne se sont jamais mis d’accord pendant cette crise, c’est la feuille de route de la Cedeao. Dès sa publication, elle était au centre de toutes les polémiques. L’on accusait le pouvoir de l’avoir falsifiée. Deux versions circulaient. Finalement la Cedeao a publié sa feuille de route sur son site afin de mettre fin aux polémiques.

Toutefois, jusqu’à ce jour le pouvoir et la Coalition ne se sont jamais mis d’accord sur la mise en œuvre de ce document. Pendant que le gouvernement affirmait être fidèle à la feuille de route, la Coalition criait au scandale et à la violation des recommandations de l’organisation sous régionale. Elle exigeait d’ailleurs qu’elle prenne des sanctions contre le pouvoir de Lomé. Mais cette dernière ne s’est pas laissée distraire.

Les réformes constitutionnelles, une occasion encore ratée

La feuille de route recommandait la réalisation des réformes constitutionnelles. Il ne s’agissait pas d’un retour intégral à la Constitution de 1992 comme l’exigeait la Coalition, mais grâce à ces modifications, les fondamentaux s’y retrouveront. Un expert commis par la Cedeao pour accompagner le Togo, a fait des propositions que le gouvernement après quelques apports a envoyées à l’Assemblée nationale.
La Coalition qui était attachée à certaines formules qui divisent d’ailleurs a boycotté les travaux. Une grave erreur qu’elle risque de regretter pour longtemps parce qu’il s’agissait d’une nette avancée par rapport à la situation qui a cours jusqu’alors. Mais apparemment, les leaders de la C14 voulaient tout en même temps. En voulant donc trop gagner, ils ont tout perdu.

Le 20 décembre 2018, une date aux multiples incertitudes

La feuille de route recommandait des élections pour le 20 décembre. Pour la Coalition, c’était une date indicative tandis que pour le pouvoir elle était bien impérative. Le pouvoir qui avait déjà entamé les préparatifs dès la fin de l’année 2017 en mettant en place la Commission électorale
nationale indépendante (Ceni), n’a fait que les poursuivre malgré les protestations de la Coalition.

La Coalition promettait d’empêcher ces élections avec des menaces de déluges, ouragans, bain de sang et le pouvoir se contentait d’affirmer que les échéances seront tenues. Il n’est pas question de reprendre un processus qui avait déjà englouti des milliards, se défendait Gilbert Bawara, le représentant du pouvoir.

Lire aussi : Gilbert Bawara : « le processus électoral est suivi de près par les dirigeants des pays membres de la Cedeao »

Des concessions ont été faites. Des partis politiques comme le Nouvel engagement togolais (Net), le Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) et l’Union des forces de changement (UFC) ont dû quitter la Ceni pour faire place à la Coalition en vue d’une recomposition paritaire. Trois jours supplémentaires ont été accordés pour un recensement de rattrapage. Mais la Coalition qui voulait une reprise totale du processus et le changement du président de la Ceni par une personnalité « étrangère » a appelé de nouveau au boycott tout comme lors du recensement initial d’ailleurs. Malgré toutes ces avancées, elle n’est jamais revenue sur sa décision.

Lire aussi : Conséquences du boycott : La Coalition dans une lutte désespérée contre la mort politique

Le 20 décembre, les élections ont eu lieu comme promis par le gouvernement. Toutes les missions d’observation (plusieurs étaient sur le terrain) ont donné leur satisfecit au processus que les chefs d’État de la Cedeao réunis à Abuja au Nigeria, ont validé lors de leur dernière conférence de l’année 2018. La Coalition continue avec ses rejets et contestations permanents, mais les nouveaux députés viennent de prendre fonction et un nouveau jour se lève finalement sur le Togo.
Edem Dadzie