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Indépendances / 60 ans après : Et demain l’Afrique… le Togo… !

Sylvanus Olympio, père de l'indépendance togolaise

Le Togo à l’instar de plusieurs autres pays africains vient de boucler soixante années de vie. Soixante ans dans la vie d’une personne, ce n’est pas encore le summum, mais ce n’est pas rien. Surtout lorsqu’il s’agit de toute une nation. Alors, après avoir fait tout ce parcours, il convient de faire un arrêt et de jeter un regard rétrospectif objectif en arrière. Il se peut en effet qu’il y ait des leçons à tirer et des recadrages à faire afin que d’ici le centenaire de l’indépendance de notre pays l’on puisse apprécier avec plus de satisfaction le chemin parcouru.

L’ancien Premier ministre du Togo, Edem Kodjo, s’est projeté il y a déjà plusieurs décennies dans le futur des pays africains qui venaient d’obtenir leurs indépendances. Aujourd’hui, alors qu’il vient de quitter le monde des vivants peut-il s’estimer heureux en voyant ce que sont devenus nos pays ? Le rêve qu’il nourrissait pour le continent noir et son pays le Togo s’est-il réalisé ? Ou du moins, a-t-il connu un début de réalisation ? Peut-être que l’on ne fait qu’amorcer la longue marche vers l’émergence. Une chose est certaine : l’Afrique et le Togo ont encore beaucoup d’étapes cruciales à franchir pour leur entière autonomisation. Mais alors, pourquoi ce retard ?

Le mauvais départ

« Il ne sert à rien de courir. L’essentiel est de partir à point », dit un adage. Après des siècles sous la domination coloniale, nos pays étaient arrivés à un moment crucial de leurs histoires : le désir de liberté qui couvait depuis longtemps était enfin arrivé à maturité et était sur le point d’éclore. Toutes les conditions étaient réunies pour y parvenir.

Le continent disposait désormais de personnes qui détenaient les mêmes connaissances que le colon et qui pouvaient conduire le peuple vers son émancipation et sa libération. La situation qui prévalait sur le plan international aux lendemains de la seconde guerre mondiale, était aussi favorable à la décolonisation. Cela ne fut toutefois pas automatique.

Nos ancêtres ont dû payer le prix fort. Plusieurs  parmi eux ont versé leur sang pour que cette libération devienne effective. Mais une fois cette indépendance acquise de haute lutte entre les mains, qu’en ont-ils fait ? À partir de ce moment ce fut la traversée du désert.

Le Togo, un cas d’école

Certains intellectuels de notre pays affirment que la jeune génération ne connaît pas vraiment notre histoire et qu’il faudrait la lui révéler. Ils ont certainement raison. Mais en attendant que les grands secrets ne viennent tout bouleverser, nous pouvons analyser ce que les enseignants-chercheurs en histoire nous disent et en tirer des leçons.

Le Togo nouveau se dresse majestueusement

D’ailleurs, pendant des décennies, c’est le même récit qui revient. Il en ressort qu’après s’être allié à d’autres nationalistes dont ceux de la Juvento pour obtenir l’indépendance dès l’année 1958, le président Sylvanus Olympio a plutôt appliqué le programme des progressistes, proches de la France que sont l’UCPN, le PTP et le MPT, pour ne la proclamer que deux ans plus tard, c’est-à-dire en 1960.

Cela n’aurait pas plu à ses amis de la Juvento qui ont quitté la barque et commencé par s’opposer à sa gouvernance. Le président Olympio de son côté a décidé de mener une politique de répression, jusqu’à imposer son parti comme parti unique aux législatives de 1961 en s’arrangeant pour que ses opposants en soient exclus. Après son assassinat dont l’on relève des zones d’ombres jusqu’à ce jour, les progressistes qui sont arrivés au pouvoir par la force des choses, à travers Nicolas Grunitzky, ont entamé la même politique de vengeance et de chasse aux sorcières.

Au vu de ce qui précède, l’on peut accuser les pères de l’indépendance d’avoir mal géré l’indépendance de notre pays. Et si à un moment donné l’extérieur a d’une manière ou d’une autre profité de l’occasion pour donner un coup d’arrêt à ce processus d’autonomisation qui était en cours, c’est de leur faute. Ce n’était pas le moment de se livrer à des combats fratricides et à une guerre de leadership.

Malheureusement, c’est à cela qu’ils se sont livrés, en oubliant les idées merveilleuses qu’ils avaient pour leur pays. L’on pouvait mieux négocier la période des indépendances, même en ce qui concerne les relations de nos pays avec l’ancienne métropole. Cela aurait pu engendrer un autre sort pour nos pays. Un bras de fer avec des puissances qui ont passé des siècles à explorer nos territoires et à les maîtriser et qui avaient encore que l’on le veuille ou pas, des ramifications assez profondes au sein des colonies qui venaient fraîchement d’obtenir leurs indépendances, ne pouvait qu’être suicidaire. C’est la grave erreur commise par Sylvanus Olympio et les autres indépendantistes de l’époque. Premièrement, engager un bras de fer avec l’ancienne métropole. Deuxièmement, mener une politique source de division dans son propre pays.

Eyadema Gnassingbé avait-il le choix ?

Après les évènements malheureux que l’on a connus et les régimes qui ont connu tous des échecs à cause toujours du fait que les acteurs refusaient de s’entendre autour de l’intérêt national, Eyadema Gnassingbé qui a revendiqué jusqu’à sa mort l’assassinat du président Sylvanus Olympio, a décidé de prendre les choses en main, sur insistance selon l’histoire, des Togolais.

Général Gnassingbé Eyadema, ancien président du Togo

Son régime ne fut pas en tout cas parfait. Il y a beaucoup de choses que l’on doit logiquement reprocher à sa gouvernance. Il faut reconnaître toutefois qu’il a réussi à mettre le pays sur la voie de la discipline et du travail. Même s’il faut qualifier son mode de gouvernance de dictature, il y a beaucoup qui après le passage du vent de la démocratie et le désordre qui s’est installé dans notre pays sur les plans politique, économique et social, préféreraient ces années Eyadema. Malheureusement, la mauvaise compréhension de la démocratie et sa mauvaise application ont ramené la situation qui prévalait juste aux lendemains des indépendances. Deux camps ont recommencé à se combattre pendant des années, au détriment du développement de notre pays. Aujourd’hui, la situation semble se normaliser et il faut souhaiter que la tendance se poursuive.

Une nouvelle Afrique, un nouveau Togo est encore possible

Malgré ce mauvais départ et ces errements, les pays africains ont encore la possibilité de s’autonomiser et d’émerger. Les leaders actuels et futurs doivent tirer leçon des erreurs du passé, rejeter l’exclusion, promouvoir la paix, mieux gérer les ressources de leurs pays et les doter d’ambitieuses visions à l’instar du Plan national de développement (PND 2018-2022) au Togo.

L’Afrique d’Edem Kodjo, de Kwame N’krumah, de Sylvanus Olympio, de Patrice Emery Lumumba, de Thomas

Un échantillon des pères de l’indépendance en Afrique

Sankara, de Nelson Mandela, de Sékou Touré, de Léopold Sédar Senghor, Houphouët Boigny, de Béhanzin, d’Abdel Gamal Nasser etc… est encore possible. La méthode pour y parvenir ne doit plus constituer une pomme de discorde au point de maintenir l’Afrique dans son immobilisme pour les soixante prochaines années. Vive les indépendances ! Vive l’Afrique ! Vive le Togo !

 

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