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Afrique/Cour africaine des droits de l’homme Le Bénin et la Côte d’Ivoire, ces élèves récalcitrants qui ferment la porte aux citoyens d’ester auprès de la CADHP

Patrice Talon et Alassane Ouattara

Elle avait pour vocation de connaître des violations des droits de l’Homme et des peuples dans les pays qui avaient déposé leur déclaration du protocole. Mais dans ces récentes interventions, la Cour africaine des droits de l’homme semble avoir poussé le bouton au-delà de ses compétences selon le Bénin. Et pour la Côte d’Ivoire, cette Cour s’est illustrée dans des décisions qui risquent d’instaurer une insécurité juridique dans l’ordre interne des Etats parties. Avec le retrait de ces deux pays, dont les opposants sont en conflit avec les lois, c’est l’existence d’une telle institution qui est remise en cause.

Jamais aucune institution n’avait essuyé de par le passé pareil affront. En moins d’une semaine, la plus haute juridiction des droits de l’homme d’Afrique vient de perdre deux pays, dont les indicateurs en matière des droits de l’homme étaient au beau fixe. Une perte, même s’il ne s’agit que du retrait du droit des citoyens à saisir cette Cour, constitue un précédent grave pour la vie de cette institution.

Les atteintes à la souveraineté des Etats

Le gouvernement de Patrice Talon juge que la CADHP est sortie de « son champ de compétence » en ordonnant la suspension, le 17 avril dernier, de l’organisation des élections communales et municipales, prévues le 17 mai. Pour le Bénin, cette position du Bénin se justifie par « le fait qu’au motif de la protection des droits de l’homme, la CADHP s’immisce dans des questions de souveraineté des Etats et des questions qui ne relèvent pas de sa compétence ». Pour rappel, la Cour avait été saisie en novembre 2019 par l’opposant Sébastien Ajavon invoquant des violations de ses droits, dont celui de prendre part aux processus électoraux dans son pays. Son parti, l’Union sociale libérale (USL), n’ayant toujours pas reçu le fameux certificat de conformité qui lui donnerait une existence légale, la CADHP avait demandé au Bénin de suspendre l’organisation des municipales en attendant que les droits du requérant soient respectés.

Intervenant aussi, à la saisine de l’opposant Guillaume Soro, la Cour avait également requis l’arrêt des poursuites contre l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne et 19 de ses co-accusés. Décision « inadmissible » pour les autorités ivoiriennes qui, après l’avoir d’ailleurs condamné à 20 ans de prison par contumace, ont décidé de se retirer du protocole de la Cour africaine des droits de l’homme.

Selon le communiqué du gouvernement, ce retrait fait suite aux graves et intolérables agissements que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’est autorisés dans ses actions. Le communiqué poursuit que ces agissements portent atteinte à la souveraineté de l’Etat de Côte d’Ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de la justice. Ils sont également de nature à entraîner une grave perturbation de l’ordre juridique interne des Etats et à saper les bases de l’Etat de droit, par l’instauration d’une véritable insécurité juridique.

 

Départs de la CADHP, la liste s’allonge

En retirant ce droit aux citoyens béninois et ivoiriens d’ester désormais en justice sur les violations de leurs droits humains, les deux pays rejoignent le Rwanda et la Tanzanie qui avaient déjà déposé la clé sous le paillasson. Bien qu’elle abrite la Cour sur son sol, la Tanzanie s’est également retirée de ce protocole, suivie du Rwanda, alors que le président de ce pays était président en exercice de l’Union africaine.

Ce qui relance avec vigueur la question de la résistance des pays partis au Protocole de déclaration, pourtant censés avoir accepté par cet accord, la compétence de cette Cour. Sur les 10 pays qui avaient accepté cette déclaration de compétence, il ne reste désormais que 6.

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