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Décès de maître Yawovi Agboyibo, l’homme qui tenait tête au général Gnassingbé Eyadema

Maître Yawovi Agboyibor, vers la fin de sa vie

Quelques semaines après la disparition de son compagnon d’infortune, l’ancien Premier ministre du Togo Edem Kodjo à l’âge de 81 ans, maître Yawovi Agboyibor, ancien Premier ministre lui aussi, s’en est allé samedi dernier à l’âge de 77 ans. Comme le premier, le second est aussi mort en France. Se sont-ils donné le mot pour mourir dans la même période ? Une chose est certaine : tout comme l’on ne choisit pas sa date de naissance, l’on ne peut choisir le jour et l’heure de sa mort. Alors que les hommages et les condoléances se succèdent, il convient de revenir brièvement sur le parcours de celui qui tenait tête à feu général Gnassingbé Eyadema.

Pour certains, maître Yawovi Agboyibor, président du Comité d’action pour le renouveau (CAR) jusqu’à sa mort, est le père de la démocratie togolaise. Cela sera diversement apprécié, mais son rôle dans l’amorce du processus démocratique dans notre pays est incontestable. L’on sait qu’il fait partie des rares personnalités qui ont tenu courageusement tête au régime du général Gnassingbé Eyadema.

Après les indépendances et la disparition des pères de l’indépendance, les partis uniques étaient considérés comme la voie pouvant permettre de canaliser toutes les énergies dans la même direction afin que le continent africain connaisse un développement harmonieux et rapide. D’ailleurs, certains pensent toujours que le basculement rapide et incontrôlé de nos pays dans le multipartisme fut une grave erreur. Quoi qu’il en soit, à un moment donné certaines élites africaines réclamaient plus de liberté.

Il faut reconnaître aussi que les régimes des partis uniques sont tombés dans les dérives à force de vouloir maintenir l’ordre. Plusieurs régimes comme celui de feu Gnassingbé Eyadema furent considérés comme des dictatures qu’il fallait combattre à tout prix. Et selon plusieurs témoignages, il fallait être vraiment téméraire pour se constituer en opposant à l’époque.

Beaucoup ont fui le pays et ne sont revenus qu’après sa mort. D’autres comme Gilchrist Olympio, le leader de l’Union des forces de changement (UFC), le combattaient de l’extérieur. Il y en a aussi qui ont perdu leurs vies. C’est dans ce contexte que des combattants comme maître Yawovi Agboyibor agissaient ouvertement.

L’histoire montre qu’il a tenu tête au général Eyadema. L’on lui attribuait même des actes héroïques teintés de mysticisme. Il semblerait qu’il ait une fois disparu du palais de Lomé 2 avec le fauteuil d’Eyadema, alors qu’ils étaient en audience et qu’il a senti que sa vie était menacée. Que cela soit vrai ou pas, l’homme avait réussi à se forger une forte réputation. En effet, qui était-il pour rester au Togo et s’opposer au président Eyadema ? Il emporte son secret dans la tombe. Il aura tout de même réussi à laisser un héritage démocratique riche à la postérité.

Son combat pour le respect des droits de l’Homme a conduit à la création de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH). Agboyibor a été artisan de l’Accord politique global (APG), et Premier ministre du gouvernement d’union nationale entre 2006 et 2007 qui a organisé la première élection unanimement saluée au Togo et à l’extérieur, à savoir les législatives de 2007.

« Maître Agboyibor fut un infatigable défenseur des droits de l’Homme et son combat pour la justice et la liberté sont pour nous aujourd’hui un repère et un véritable tremplin pour construire un Etat de droit », a écrit le pasteur Edoh Komi, président du mouvement Martin Luther King (MMLK), La voix des sans voix.

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