Voulez-vous faire couvrir un événement par Togo Matin?

Marché du carbone : Pourquoi l’Afrique devrait-elle se saisir de cette opportunité ?

Un schéma illustrant les mécanismes du marché du carbone

Lorsque l’on parle du marché du carbone, de la tarification du carbone, l’Afrique qui pollue peu devrait-elle se sentir concernée ? Certains pensent que non. Mais à voir de près, le continent africain a tout intérêt à se saisir de cette opportunité pour laquelle d’ailleurs, l’Accord de Paris sur le climat consacre son article 6.

Le marché du carbone est revenu en force dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015 sur le climat. En effet, dans la lutte contre les changements climatiques, aucune solution ne doit être négligée. L’article 6 de l’Accord de Paris enjoint aux parties à travers leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN) (art 6.2) d’y souscrire. Ce sera l’un des chantiers sur lesquels les pays devront travailler pour limiter le réchauffement du globe à 1,5°c d’ici la fin du siècle (2100).

Toutefois, il y a un blocage en ce qui concerne la mise en place du marché du carbone au niveau international. L’art 6.4 oblige les parties à trouver un accord préalable pour y parvenir. À ce jour, cela n’est pas encore effectif. Lors de la Cop 25 à Madrid en Espagne, les parties ont échoué à s’accorder sur les règles de sa mise en œuvre. Les discussions devront se poursuivre lors de la Cop 26 à Glasgow en Ecosse (Royaume-Uni) l’année prochaine. Mais en attendant que les projets carbones se généralisent et que les parties s’accordent sur comment parvenir à un marché efficace du carbone, que permet au juste ce mécanisme ?

Le marché du carbone consiste à échanger des réductions d’émissions. Des entreprises ou pays qui ont du mal à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre achètent des crédits chez d’autres organisations ou pays qui mettent en place des projets carbones convertissables en crédits. Mais il faut déplorer le fait que ces crédits soient parfois à des coûts très faibles.

Comme le disait Gilles Dufresne de l’organisation internationale Carbon Market Watch lors d’un webinaire le lundi 31 août dernier : « c’est une échappatoire facile pour de gros pollueurs ». En effet, de grosses compagnies aériennes et pétrolières achètent des crédits carbones très peu chers qui n’ont pas finalement d’impacts à long terme.

Les experts reconnaissent que le marché du carbone n’est pas la meilleure solution en matière de réduction des gaz à effet de serre. Certains notamment sur le continent africain ne veulent pas en entendre parler. Pour eux, c’est un moyen trouvé par les gros pollueurs pour ne jamais abandonner les énergies fossiles. Ces derniers payent des crédits qui n’ont finalement pas d’impacts sur leurs intérêts. Ainsi, ils continuent de polluer et de compromettre l’avenir de la planète contre des taxes insignifiantes.

Cela n’est pas totalement faux. Mais, il faut noter que le but de la mise en place du marché de carbone, est d’amener progressivement tous les pays à opérer la transition énergétique. En effet, le coût des crédits carbones augmente au fil des années, rendant à terme les énergies fossiles plus chères que les énergies renouvelables. Les frais collectés grâce aux crédits carbones, permettent d’améliorer les conditions de vie des populations.

D’après Joseph Kogbé, directeur exécutif de l’Organisation pour l’environnement et le développement durable (Oped) et coordonnateur du réseau africain climat et développement, la mise en place du marché du carbone va s’imposer sur le continent africain dans l’avenir. Autant se positionner dès maintenant sur cette opportunité.

« Je pense que nous ne devons pas rester à l’écart. D’un jour à l’autre on devra s’y mettre si nous voulons réaliser nos CDN », déclare-t-il. À ce jour, le Ghana est le 2e pays au monde à avoir signé un accord de coopération pour la mise en œuvre des CDN et de l’art 6. Le Togo de son côté a organisé deux ateliers rassemblant tous les acteurs impliqués, pour examiner les possibilités de mise en œuvre d’un marché de carbone dans notre pays.

 

L’adhésion des pays au CPLC : une étape cruciale à franchir

Dans le but de travailler en faveur de la mise en place d’un marché du carbone, la Banque mondiale a lancé en 2014, lors du sommet sur le climat des Nations unies qui s’est déroulé à New York aux Etats-Unis, la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone (CPLC). Tous les pays sont encouragés à y adhérer. C’est une étape importante pour faciliter la mise en place du marché du carbone.

Au Togo, les volontaires du Lobby des citoyens pour le climat (LCC) ont introduit une correspondance auprès du ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Protection de la nature, le professeur David Wonou Oladokun, afin de lui expliquer la nécessité d’adhérer au CPLC. Cela n’est pas encore fait, mais des discussions sont en cours entre les volontaires de LCC-Togo et les techniciens du ministère de l’Environnement, afin que notre pays ne se mette pas en retrait par rapport à cette nouvelle donne. Faire partie du CPLC permettra au Togo d’aider à accélérer le plaidoyer en faveur de l’opérationnalisation du marché du carbone que bloquent les plus gros pollueurs. Cela constituera une pression supplémentaire vers l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, notamment l’article 6.

Les travaux du CPLC sont organisés autour de quatre axes : favoriser l’engagement des parties prenantes pour améliorer les connaissances, échanger des expériences et favoriser des opportunités de partenariats et de collaboration, susciter l’engagement des entreprises en se concentrant sur la tarification interne du carbone et d’autres actions commerciales pour tarifer le carbone, communiquer efficacement sur la tarification du carbone.

Le CPLC est un partenariat volontaire de 34 gouvernements nationaux et infranationaux, plus de 164 entreprises de différents secteurs et régions, et plus de 85 partenaires stratégiques représentant des organisations de la société civile et des établissements universitaires. Depuis son lancement, le CPLC a organisé des dialogues de leadership aux niveaux mondial et régional.

Ces dialogues ont servi à sensibiliser sur les opportunités de tarification du carbone ainsi que sur des aspects spécifiques du développement continu des initiatives de tarification du carbone. En outre, le CPLC a produit des connaissances sur les questions clés liées à l’établissement d’un prix du carbone. Les gouvernements ont la possibilité d’apprendre les uns des autres et de travailler ensemble.

De plus, il existe une possibilité de soutien financier pour les gouvernements qui adoptent une tarification du carbone par le biais du « partenariat pour la mise en œuvre du marché ». En rejoignant le CPLC, les pays ont accès à une sagesse institutionnelle inestimable et à des financements pour les aider à concevoir et/ou mettre en œuvre leurs politiques de tarification du carbone.

Mise en place d’une manière adéquate, une tarification du carbone peut apporter de réels bénéfices connexes, notamment en réduisant la quantité des polluants atmosphériques, en générant des recettes à affecter aux mesures de lutte contre les changements climatiques et à une transition équitable. Elle permet de combattre la pauvreté énergétique et de réduire d’autres taxes.

Edem Dadzie