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Bénin, saison de révocation de maires ?

Casimir Sossou, l'ancien-maire dAplahoué

Le vent de la rupture semble emporter tout sur son passage. De la révocation des directeurs et chefs de départements publics, en passant par la mise à la retraite anticipée de certains chefs de police, le pouvoir de Patrice Talon ne néglige rien. En Conseil des ministres ce mercredi 16 mai 2018 au soir, la sentence du maire de la Commune d’Aplahoué est tombée. Il rejoint ainsi Léhady Soglo, débarqué aussi en août 2017 de la mairie de Cotonou pour quasiment les mêmes causes.

Aucune circonstance atténuante n’a pu agir en faveur du maire d’Aplahoué. Il lui est reproché, entre autres, la non organisation au profit du conseil communal de la reddition de compte de la gestion de la gare routière d’Azovè par la mairie, la création par note de service du sous-comité de gestion des gares routières de la commune alors que la reddition de compte n’a pas eu lieu, et la signature depuis le 16 octobre 2017 de la convention de co-gestion de la gare routière de Azovè liant la commune et les conducteurs de taxi sans avoir au préalable informé le conseil communal.

Au-delà des faits qui lui sont reprochés, le maire Casimir Sossou s’est mis à dos son conseil municipal duquel il a rompu les liens de collaboration par ses agissements depuis un certain temps. Lui qui croyait peut-être agir dans l’intérêt de la commune, s’est vu éjecter de ce siège qu’il occupait depuis 31 mois seulement pour des faits constitutifs de fautes lourdes au regard des dispositions de l’article 55 de la loi n°97-029 du 15 janvier 199 portant organisation des communes en République du Bénin.

Après Cotonou, Aplahoué : rigueur ou apurement stratégique d’opposants pour les prochaines législatives ?

Depuis près d’un an, le mouvement de destitution d’élus locaux s’est accéléré, emportant dans ses flots certains maires. De Parakou à Cotonou en passant par Allada et Ouidah, les maires élus au lendemain des élections locales et communales en 2015 ont perdu leur poste. Ils n’ont pas pu résister au mouvement de destitution déclenché ici et là. Tous, à l’exception du successeur de Léhady jusque-là inconnu, sont proches du pouvoir de la rupture.

Quoique prévu par les textes, ce mouvement que l’on observe souvent après le changement de régime révèle au grand jour l’instabilité politique des institutions en Afrique. On peut hausser les épaules et dire tant mieux ; car, le plus important est d’œuvrer véritablement pour le développement de sa localité, quelle que soit sa couleur politique. De ce fait, sous ce fallacieux prétexte, l’on peut tout aussi changer la voie du peuple dans l’intérêt d’une minorité partisane, quand on ne veut plus d’un maire qui constitue un frein à la politique du chef.

Dans l’optique des prochaines législatives, il est très astucieux de placer les bons pions aux niveaux régional et local pour s’assurer l’adhésion et les voix des populations. C’est pourquoi, sans même aller au fond des dossiers, le pouvoir Talon risque de céder à toutes les allégations tendancieuses visant un élu du peuple dont on veut plus.

Du moment où l’on s’attarde sur leur obédience politique, l’on peut conclure facilement qu’il s’agit d’un apurement stratégique du pouvoir Talon. Car, comme pour le cas de Léhady Soglo, provenant du parti « Renaissance du Bénin », et de Casimir Sossou du Parti Social-Démocrate (PSD), tous deux hostiles à la coalition de la rupture, le lien est très vite fait.

Mais à voir de près, peut-on y voir, dans ces récentes révocations de Léhady Soglo, maire de Cotonou, et de Casimir Sossou, maire d’Aplahoué, un apurement politique et stratégique du pouvoir dans l’optique des prochaines législatives prévues pour 2019 ?

Difficile de répondre par l’affirmative quand on analyse l’ampleur des faits qui leur sont reprochés. Mais si c’était le cas, il faut croire que le pouvoir a tout simplement saisi une parfaite occasion de poser ses pions dans ce jeu d’échecs que constituent les législatives de 2019 qui s’annoncent difficiles pour une coalition de la rupture en perte de vitesse dans les sondages avec les vagues de manifestations observées ces derniers mois au Bénin.

Alexandre Wémima