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Investiture du président Ouattara : Et si la Cedeao démarrait une médiation en Côte d’Ivoire ?

Candidat à sa propre succession, le président ivoirien Alassane Ouattara vient de se faire investir par son parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la paix et la démocratie (RHDP) samedi 22 août 2020. Cette décision, qui continue de nourrir les débats et les manifestations dans le pays couve assez mal une crise électorale qui, si elle n’est pas désamorcée tôt, plongera la Côte d’Ivoire une seconde fois dans les abymes d’une guerre civile. Indirectement interpelée sur la question ivoirienne, la Cedeao semble ne pas inscrire le dossier ivoirien comme une priorité. Et pourtant, le passé récent de cette 2ème puissance économique de la sous-région devrait interpeler.

La candidature du président Ouattara passe mal au sein de l’opposition ivoirienne. Et déjà après l’annonce de son rétropédalage, les manifestations ont fait déjà 6 morts et des arrestations. Le gouvernement est même allé jusqu’à restreindre l’exercice des manifestations publiques. Mais l’opposition ne décolère pas et promet d’autres manifestations dans les prochains jours.

A son investiture samedi 22 aout 2020 dernier au stade Félix Houphouët Boigny, le président Alassane Ouattara, requinqué par une foule immense de partisans chauffée à blanc par ses déclarations de coup K.O., durcit le ton à la limite de la menace à l’endroit de l’opposition. « Ils ont peur car ils savent qu’ils ne peuvent pas gagner. Ce sont des peureux. Ceux qui veulent s’engager dans la violence auront des comptes à rendre. Le temps où l’on pouvait accéder au pouvoir par accident est passé ».

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10 ans après la fin de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, le pays n’est pas encore, à ce jour, réconcilié selon plusieurs acteurs politiques. Et déjà après l’annonce de la candidature du président Ouattara, des tensions communautaires à relents ethniques ont été notées à Bonoua, au sud-est et à Divo au Nord-ouest de la capitale Abidjan.

Le conflit postélectoral de 2010 avait entrainé officiellement  3000 morts et des centaines de millier de déplacés. L’économie du pays avait pris un sérieux coup que les deux mandats successifs de l’actuel président Ouattara n’ont pas réussi à redresser totalement. 10 ans après, c’est un pays aussi divisé que reconstruit qui s’apprête à renouer avec son histoire faite de tensions politique et communautaire avec, à la clé, une teinte ethnique liée au fameux critère « d’Ivoirité ».

En dehors de l’illégalité d’une énième candidature pour la présidentielle, on lui oppose sa promesse de ne plus se représenter en 2020. Et plus loin, l’opposition, dans son ensemble, veut faire partir celui qu’ils appellent « le Burkinabè naturalisé ». Pour un acteur politique qui a requis l’anonymat, « Aujourd’hui, les ivoiriens, les vrais, regrettent tous avoir fait confiance à Ouattara. Au moment où le président Gbagbo prenait un décret spécial pour lui permettre d’être candidat en 2010, on avait cru qu’il prenait une bonne décision. Aujourd’hui, il refuse à ce même Gbagbo de rentrer en Côte d’Ivoire. Nous avons donné la nationalité à un étranger qui aujourd’hui chasse les vrais enfants du pays : Gbagbo, Soro, et Blé Goudé… ».

Au-delà du silence de la communauté internationale sur le débat juridico-constitutionnel de la rétroactivité de la nouvelle Constitution ivoirienne, celle de la Cedeao inquiète le plus. Va-t-elle attendre encore que la Côte d’Ivoire s’embrase de nouveau avant d’intervenir ? N’est-il pas temps pour la commission d’observation et de prévention des conflits de la Cedeao de poser des actes de prophylaxie en Côte d’Ivoire afin d’éviter à la communauté un nouveau bain de sang dans le pays ?

2ème puissance économique de l’espace Cedeao, un nouveau conflit en Côte d’Ivoire, après celui de 2010, aura certainement des conséquences économiques et sociopolitiques sur la sécurité collective de l’espace sous régional, à l’heure où les réflexions sont menées sur les moyens de lutte efficaces contre le terrorisme ambiant.

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Alexandre Wémima