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La société civile propose des pistes pour une sortie pacifique de crise

Père Gustave Sanvee

Le dialogue inter-togolais qui a démarré le 19 février sous la médiation du président ghanéen Nana Akufo-Addo piétine depuis quelques semaines. Face à cette situation, des acteurs de la société civile et des religieux explorent des pistes pour une sortie de crise.

La crise sociopolitique que traverse le Togo depuis près de trois décennies a pris une proportion grave et sans précédent depuis août 2017. Les partis d’opposition réclament le retour à la Constitution de 1992, cette loi fondamentale qui avait subi le 31 décembre 2002  une  modification controversée, supprimant la limitation du nombre de mandats présidentiels. Ces partis exigent également l’annulation du référendum constitutionnel prévu en 2018 et portant notamment sur les modalités d’élection du président de la République.

Le dialogue entre les acteurs politiques du pays mi-février connaît des situations de blocage et le pays vit dès lors dans une psychose générale, une peur continue du lendemain. La coalition des partis politiques de l’opposition  affirme  sa détermination à reprendre les marches de contestation du régime du président Faure Gnassingbé. Depuis environ deux mois, il y a une forte présence policière et militaire dans les rues de la capitale togolaise.

De la crise de confiance

Au cœur de cette tension politique, plusieurs organisations de la société civile organisations de la société civile (Osc) togolaises multiplient les rencontres en vue de réfléchir sur cette situation et proposer des voies pour une résolution durable de cette crise. De même, des responsables religieux appellent les acteurs politiques à poursuivre le dialogue national en vue d’une  résolution  définitive de cette crise.

À l’ouverture des pourparlers, des acteurs de la société civile et des religieux avaient invité les deux parties à faire le bon choix en vue d’un dialogue réussi. « Pour sortir de cette crise, le dialogue doit se poursuivre et les protagonistes devraient dépasser leur crise de confiance,  leurs  intérêts partisans pour n’avoir pour  objectif  principal que l’intérêt général du  peuple  »,  affirme  le secrétaire général du Conseil épiscopal Justice et Paix, le père Gustave Sanvee, qui s’appuie sur les exhortations de la Conférence des évêques du Togo. Celle-ci a lancé de nombreux appels à la classe politique, à rétablir un climat de paix et de cohésion.

Pour le père Sanvee, la voie du référendum choisie par le pouvoir « envenime davantage la situation », car, pour ce prêtre catholique, « la résolution du problème sociopolitique ne réside pas dans l’application pure et simple des textes de lois ». Aussi argue-t-il que « la solution à cette crise avant d’être politique, doit être sociale ». Mais pour y parvenir, indique-t-il, « il est fondamental de rétablir le  climat  de  confiance entre les différents acteurs politiques ».

Repenser la médiation du dialogue

Du côté des Eglises presbytériennes et méthodistes, on encourage parti au pouvoir et opposition à poursuivre le dialogue. Comlan Prosper Deh, coordinateur du projet  d’accompagnement œcuménique pour le Togo lancé par l’Église évangélique presbytérienne et l’Église méthodiste constate que « la méfiance est la plaie principale qui empêche la conclusion d’un accord véritable entre les deux parties ». « En tant  qu’Église,  affirme-t-il, nous appelons à l’équité, à  la  justice  et  à  la  vérité, mais aussi et surtout au pardon ». Le religieux déplore également que la médiation du dialogue soit exclusivement de l’ordre des politiques, malgré le désir clairement exprimé des Églises d’accompagner ce processus.

Dans une lettre pastorale publiée en 2017, les Églises presbytérienne et méthodiste avaient estimé qu’il fallait « envisager l’alternance politique sans avoir peur des lendemains, sans craindre qu’un changement de régime débouche forcément sur une chasse aux sorcières ». « Il nous faut alors travailler sur les conditions de l’alternance politique pour éviter qu’il y ait déflagration ».

Le président de l’Union musulmane du Togo, El Hadj Inoussa Bouraïma, soutient pour sa part que « les protagonistes doivent éviter les ambitions démesurées et chacun doit pousser le curseur à la rencontre de l’autre en vue d’une conciliation des points de vue ».

Mercredi 20 juin,  des Osc ont remis à la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) un document dénommé « Contribution de la société civile pour une  sortie  pacifique  de crise ». Dans ce document, la société civile propose qu’un accord politique soit signé entre le pouvoir et l’opposition sous l’égide de la CEDEAO et qu’une période de transition soit observée au cours de laquelle les mesures  faisant  l’objet  de cet accord seront mises en œuvre.

« Cet accord qui doit permettre de retrouver les fondamentaux de la Constitution de 1992, doit prévaloir durant toute la transition et doit être la référence pour les acteurs, les organes et tous les citoyens togolais durant la transition », précise ce document désormais dans les mains de la CEDEAO qui est chargée d’assurer la médiation du dialogue inter-togolais.

Charles Ayetan (Présence chrétienne et la Croix)