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Noël Bataka : «La campagne agricole 2020-2021 est organisée avec une forte mobilisation de toutes les parties prenantes le long des chaînes de valeur agricoles»

Noël Bataka, ministre de l’Agriculture
Après la première partie de l’entretien de Togo Matin avec le ministre togolais de l’Agriculture, publiée le mercredi 08 juillet 2020, parlant des défis du secteur surtout en cette période de coronavirus, voici la seconde partie dans laquelle le ministre Noël Bataka explique les performances et les ambitions de son département ministériel.

 

Pourquoi la culture du sol est plus mise en exergue que l’élevage et la pêche ?

Il y a des programmes qui intéressent tous ces secteurs mais il faut reconnaître que la population est majoritairement agricole.

Quel bilan faites-vous de la mise en œuvre de l’axe 2 du PND ?

« Le PND porte de grandes ambitions. La République est riche de chaque fille et de chaque fils qui travaille à sa grandeur. Personne ne sera laissé de côté », a affirmé le président de la République qui invite ses concitoyens à avancer ensemble, solidaires, optimistes et confiants. Aujourd’hui, on voit la matérialisation de l’axe 2 sur le terrain dans tous les secteurs : la ferme Terre bénie, c’est toute une gamme de produits spécialement étudiés pour l’équipement et la nutrition en élevage de volaille. 50.000 pondeuses et 12 000 coquelets, pour la pisciculture on a entre 2012 et 2019, la production halieutique sur le Lac Nangbéto est passée de 600 tonnes à 3200 tonnes, soit une augmentation de 433% en 07 ans.

 

A quoi peut être due cette performance significative ?

Elle est essentiellement attribuable à la mise en place suite au Plan de gestion des pêcheries du Lac de Nangbéto d’un premier pôle de transformation agricole tel que prôné par le PND avec plusieurs centaines d’agriculteurs structurés pour produire des matières premières pour une provenderie. A noter que cette dernière fournit des tonnes d’aliments à des fermes piscicoles sur le lac qui eux aussi alimentent une unité de surgélation pour la transformation auprès de qui s’approvisionnent des centaines de commerçants. D’autres unités de production et transformation d’autres produits agroalimentaires sont en gestation dans le bassin.

Il en est de même de cette usine de transformation de 15 000 T de maïs qui est installée à Tsévié qui constitue un débouché pour 5000 producteurs de maïs ; ou encore l’usine de jus délice à Gbatopé qui assure la transformation de l’ananas de plus de 200 producteurs.

Plusieurs dizaines de PME et PMI foisonnent de part et d’autre sur l’ensemble du territoire, toutes mues par le dynamisme actuel du secteur agricole impulsé par les hautes autorités de la République.

 

Le rapport du 4ème recensement national de l’agriculture note que la population agricole active frôle les 1 564 900 actifs agricoles. Quel est l’état actuel de la situation ?

Le dernier recensement national agricole (RNA) a identifié que sur 3 843 049 personnes formant la population rurale, 1 311 659 en constituent la population active agricole, soit 34,1%. Un actif agricole produisait pour 5 personnes dans le pays alors que ce rapport était de l’ordre d’un actif pour 4 personnes en 1996. A ce jour 56,6% de la population agricole font partie de ces ménages qui représentent 60,1% de l’ensemble des ménages agricoles. Les ménages à 4 ou 5 actifs agricoles rassemblent près de 17,8% de la population agricole. Du point de vue genre, la structure est pratiquement identique pour les deux sexes. Si la majorité de la population agricole est concentrée dans les ménages de 2 à 3 actifs, il n’en est pas de même quand on considère la répartition de la population rurale selon la taille du ménage : 41,7% de cette population vivent dans les ménages de 6 à 9 personnes. Sur le plan régional, il y a très peu de disparités.

Les actifs agricoles exploitent des petites superficies. Dans le contexte togolais, l’exploitation agricole est assimilée au ménage agricole. La taille moyenne des exploitations agricoles en termes de superficie physique est de 3,96 ha. 14,1% des exploitations ont moins d’un hectare (1ha) et une majorité soit 51,6%, possède des exploitations dont la taille oscille entre 1 et 4 ha. En outre 27,8% ont des exploitations de taille variant de 4 à 10 ha et seulement 6,5% ménages agricoles disposent des exploitations de 10 ha et plus. En termes de nombre de parcelles cultivées, la majorité des ménages (55,4%) possèdent au plus 4 parcelles, 10,9% ont 1 parcelle, 16,6% ont 2 parcelles, 14,7% ont 3 parcelles et 13,3% ont 4 parcelles.

 

Aujourd’hui, le Togo est 1er exportateur de la sous-région des produits bio vers l’Union européenne et 2ème en Afrique. Quels sont les facteurs qui ont permis au Togo de se hisser à ce rang ?

Le secteur agricole national a un ensemble de caractéristiques qui pourraient être considérées comme des faiblesses pour l’agriculture conventionnelle mais plutôt comme des potentialités. En effet, le taux actuel d’utilisation des intrants chimiques est relativement faible, en comparaison à d’autres régions du monde. Ceci constitue donc un atout et permet aux acteurs de chaînes de valeurs biologiques d’avoir accès à des zones qui sont propices à leurs activités.  Un autre facteur est l’expérience des acteurs dans les filières biologiques. Il existe un éventail d’acteurs qui, au fil des années, ont pu construire une expérience robuste dans les domaines d’activités. Certains acteurs ont pu mobiliser par eux-mêmes des ressources auprès d’institutions financières internationales.

Il est également important de relever les différents dispositifs d’accompagnement qui existent afin de renforcer les acteurs nationaux. Il s’agit notamment du mécanisme de financement incitatif fondé sur le partage des risques (Mifa), du Programme national de promotion de l’entreprenariat rural (PNPER), le Projet d’appui aux initiatives économiques des jeunes dans les secteurs porteurs (PAIEJ-SP). Sans être exhaustif, ce spectre de dispositifs contribue à soutenir les entreprises des chaînes de valeurs agricoles, ce qui se traduit, entre autres, par le volume croissant des produits qui sont mis sur le marché.

 

Qu’en est-il du port de Lomé et de l’Aéroport international Gnassingbé Eyadema ?

Sur le plan de la logistique, le port de Lomé qui est le seul port en eau profonde de la sous-région est un atout qui est valorisé par les acteurs, notamment pour les exportations de soja, le premier produit d’exportation du Togo. Le Hub logistique de l’aéroport de Lomé est surtout contributif pour le développement des exportations des fruits et légumes, que ce soit brut ou transformés. C’est l’occasion de saluer l’accompagnement de divers partenaires au développement qui accompagnent les filières biologiques sur le plan national. Je pourrais mentionner le COLEACP, la GIZ, l’Ifoam à travers le projet OM4D ainsi que d’autres institutions nationales et internationales. L’intervention du Fida à travers le ProMifa qui a des volets spécifiques de soutien aux filières agricoles biologiques est également à souligner.

 

Comment comptez-vous améliorer la culture bio au Togo ?

Il est à noter que le Togo s’est résolument engagé dans la conversion de l’agriculture nationale au biologique. L’ambition est d’arriver à un maximum de conversion à l’horizon 2030. La stratégie pour y parvenir vise donc à renforcer les leviers pour une croissance structurée, forte et durable. Certains leviers sont identifiés tels que le renforcement de la coordination et de la gouvernance à travers la construction d’une interprofession fonctionnelle, le renforcement de l’approvisionnement en intrants pour les filières biologiques, l’amélioration de l’accès au financement, le renforcement des capacités techniques des acteurs, la facilitation à la certification, le développement de chaines de froid et de plateformes de traitement et de conditionnement de produits, l’opérationnalisation d’un système global de traçabilité des produits agricoles biologiques, la promotion de la consommation locale des produits biologiques.

Il s’agira donc de développer une approche holistique qui touche aux différents maillons des chaînes de valeurs ainsi qu’aux services connexes. Le principe de mise en œuvre est la promotion du secteur privé, en cohérence avec le Plan national de développement (PND 2018 – 2022). C’est l’occasion de renouveler l’appel à tous les investisseurs potentiels, qu’ils soient nationaux ou étrangers pour participer à la construction de l’histoire des filières agricoles biologiques dont les fondations sont posées.

 

La campagne agricole 2020-2021 et la campagne cotonnière 2020-2021 : quelles seront les particularités et les innovations ?

La campagne agricole 2020-2021 est organisée avec une forte mobilisation de toutes les parties prenantes le long des chaînes de valeur agricoles autour de filières stratégiques dans le cadre d’une opération de soutien à 512.000 ménages agricoles (Agriculture, élevage et pisciculture) sélectionnés sur la base de critères définis à savoir : être un exploitant agricole togolais disposant de 1 ha de superficie cultivable sécurisée pour la spéculation éligible au projet (0,5 ha pour vivrier et 0,5 ha pour rente) ; se constituer en groupes d’entraide solidaire affiliés à un GPC, une Esop, PME/PMI ; accepter un contrat d’agrégation avec une PMI/PME ; suivre l’encadrement technique de proximité.

Quant à l’opération de soutien aux ménages proprement dite, elle porte sur : Crédit intrant à un taux nul pour l’exploitation de 1 ha dont 0,5 ha de culture de rente (coton ou soja) et 0,5 ha de maïs ou de riz. Ce crédit est financé à 100% par l’Etat à un taux d’intérêt nul et les producteurs rembourseront en nature à la récolte ; la Campagne d’essouchage des terres pour faciliter le développement des opérations de labour mécanisés ; des kits d’irrigation à base d’un système de pompage solaire et la gestion par « Pay as you go » ; entreprises de prestation de service de mécanisation agricole; bourse agricole et alimentaire pour la gestion des flux de produits agricoles et des matières premières pour alimenter les unités de transformation et les marchés urbains et faciliter le déploiement des kits alimentaires par les plateformes de e-commerce.

Agences de placement de saisonniers agricoles dans les fermes et les unités de transformation des produits agricoles pour canaliser les jeunes qui n’arrivent plus à se déplacer avec les restrictions de transport ou qui allaient en exode dans les pays de la sous-région travailler dans les exploitations agricoles avec des risques d’endoctrinement ; plateforme e-learning pour faciliter l’apprentissage à distance et la poursuite de la scolarité des apprenants des centres de formation agricole et rurale ; Financement des entreprises de transformation des produits agricoles.

En ce qui concerne le coton, nous avons une baisse de rendement. La campagne de production cotonnière 2019/2020 : les résultats sont restés en deçà des attentes, 116. 000 tonnes 2019-2020 contre 137 000 tonnes en 2018-2019.

 

A cette étape, quel est le rôle des acteurs de la filière coton ?

A l’issue des travaux du bilan de la campagne, les acteurs de la filière coton ont pendant 48 heures procédé avec rigueur, sans faiblesse et sans compromission mais toujours avec objectivité à une analyse minutieuse les différents paramètres de la campagne précédente pour tirer les leçons et préparer l’avenir.

Un objectif de 180 000 hectares pour une production de 150 000 tonnes soit un rendement moyen de 850 kg/ha reste un impératif pour les acteurs de la filière coton pour répondre aux objectifs du PND en lien avec la vision stratégique du gouvernement. Une task-force pour la filière coton pour booster le secteur. Elle est composée de : Itra, DSP, Icat DSID, NSCT. Ce noyau va redoubler d’efforts en accompagnant les producteurs de coton afin d’atteindre 150.000 tonnes à la fin de la campagne 2020-2021. Ceci permettra d’assurer une croissance forte, durable, résiliente, inclusive, créatrice d’emplois décents et induisant l’amélioration du bien-être social.

                                                                                                                                                             Propos recueillis par Attipoe Edem Kodjo

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